À l’invitation de l’organisme de travail de rue, intervention et prévention, Trip Jeunesse Beauport, une cinquantaine de personnes, citoyens, partenaires du réseau, partenaires du communautaire, membres de la famille et amis de la famille se sont déplacés, le vendredi 28 mars de 18 h à 19 h, dans le stationnement de la bibliothèque Étienne-Parent, lors d’une émouvante veillée symbolique en l’honneur d’Éric, un itinérant de Beauport.
Cette personne en situation d’itinérance avec qui Trip Jeunesse Beauport était en relation a été retrouvée morte le 23 décembre à quelques pas de son campement près du Maxi Clémenceau. Vu sa situation de vie et le temps des Fêtes, son décès est passé sous silence.
Pour faire connaître la vérité
« Ce fut un beau moment rempli d’émotions où ceux qui le désiraient ont pu prendre la parole et parler d’Éric. Cette dernière rencontre a permis de faire connaître la vérité et de ne pas laisser sa mort sous silence. Bien que cet évènement est isolé pour le moment, l’augmentation de la réalité de l’itinérance dans nos rues beauportoises laisse croire que des drames de ce genre pourraient arriver de nouveau. La majorité des itinérants sont âgés de 40 ans et plus, mais nous avons eu quelques personnes de moins de 25 ans dans la dernière année, par contre leur jeune âge permet plus facilement de leur trouver une ressource. Il n’y a pas de changement, les personnes en situation d’itinérance à Beauport se retrouvent presque toutes dans le quartier Giffard », souligne Natacha Breton-Dallaire, employée à la coordination clinique à Trip Jeunesse Beauport.
Voici la lettre d’au revoir qui lui a été adressée :
Au revoir Éric
Depuis plusieurs années, il parcourait les rues de Beauport ! Plusieurs d’entre vous l’ont croisé, certains lui ont parlé, d’autres l’ont ignoré et de nombreuses personnes l’ont aidé. Cet homme dont le parcours de vie a été parsemé de défis s’est retrouvé bien malgré lui en situation d’itinérance. Le 23 décembre dernier, Éric a été retrouvé sans vie, seul à quelques pas de son campement.
Il était le vieux monsieur au dos courbé qui traînait un peu partout. Il racontait des blagues, des histoires, il aimait son café avec sept sucres et il avait des opinions bien tranchées. Ses idées pouvaient nous paraître loufoques, mais il démontrait un sens de la débrouillardise impressionnant. Il savait être gentil, persévérant, poli, créatif, humain et tellement plus... Il était unique !
Il était reconnaissant quand quelqu’un lui offrait un peu d'argent ou quand de grands gaillards venaient l’aider à installer son campement. Vous l’avez peut-être croisé dans de moins bons moments, pardonnez-lui. Plusieurs années à vivre dans la rue et sa schizophrénie l’ont rendu par moment moins doux, mais ça ne change rien à la belle personne qu’il pouvait être.
Sa sœur le savait, il a eu la chance de garder cette relation qui comptait énormément pour lui. Ce n’est pas toutes les personnes dans sa situation qui peuvent garder un lien avec un proche. Il a manqué de beaucoup de choses dans sa vie, mais jamais d’amour et à sa façon il lui rendait. C’est elle qui a signalé sa disparition, c’est la première qui s'est inquiétée de ne pas avoir de ses nouvelles, surtout en hiver.
Selon le coroner, la cause la plus plausible du décès est l’hypothermie, aucune trace de consommation dans les analyses. Il est difficile de croire que malgré les services disponibles, un homme de 63 ans est mort de froid dans les rues de Beauport.
Dans cette tragédie, personne n’est à blâmer. Mais en tant que communauté on a des questions à se poser sur le soutien qu’on souhaite apporter aux gens comme lui. Son plus grand rêve était de se débrouiller seul et d’avoir un logement, mais plusieurs traumatismes et ses défis personnels lui rendaient ce rêve bien plus difficile à réaliser. Certaines décisions l’ont mis à risques, mais mourir dans la rue n’était pas son souhait et comme tout le monde, il aurait dû avoir la possibilité de se sentir en sécurité et obtenir l’accès à toute l’aide dont il avait besoin.
Sa mort ne peut pas passer sous silence. Tout le monde mérite de mourir dans la dignité. Cette histoire est la sienne, mais elle est similaire avec plusieurs autres histoires qu’on peut entendre dans le monde de l’itinérance, ici, dans nos rues beauportoises.
Éric, 63 ans, dont le parcours de vie a été parsemé de défis, s’est retrouvé bien malgré lui en situation d’itinérance.
(Photos : gracieuseté)